En 1891, une chanson a été écrite pour relater une malheureuse histoire de chasse à un chien qui fut pris pour un ours.
Ecoutez l’enregistrement audio intégral de la chanson.
La chanson de Montaillou
Ci-dessous le texte intégral en patois avec sa traduction en français.
… »Ero qualqué téns abans Carnabal. Nostré païs coubert bé néou es la sasou la plus rigourouso dé l’annabo. Lé bent es fresq et la néou tourabo. Lé souleil en aqueillo époquo n’a pas pla durado. Et per bous acaba d’explica la rasou ni bestions ni gens nou marchaboun quaïre en baquel téns et coumo sé trapo un bilatgé bés pus naoutis en touto époquo et en tout téns, les habitants y soun salbatgis en aqueillo sasou dé téns ».
C’était quelques jours avant Carnaval. Notre pays était couvert de neige, et c’est la saison la plus rigoureuse de l’année. Le vent est frais et la neige est gelée. Le soleil, à cette époque-là, ne dure pas longtemps. Et pour terminer d’expliquer la raison, ni les bêtes ni les gens ne se promenaient en ces temps-là. Et comme c’est un village des plus hauts et des de toutes les époques et de tout temps, les habitants sont des sauvages, surtout en cette saison.
Tout le moundé troublat del rainoun bel souleil, la bisto se hous trémousis et prégueroun un petit ca par un bel ours. Parmi lé noumbré bous citarei quelqués unis des assiégénts de l’animal.
Tout le monde aveuglé par le rayon du soleil, la vue troublée, prit un petit chien pour un ours. Parmi les gens que je vais vous citer, quelques assiégeants de l’animal.
Lé prumié en testo éro Moussu Jacques dé Barbari qu’abio uno pipo oumo un toupi. Marchabo en d’uno fourco dé fer à la ma et semblabo qué l’ours déjà anaba embroucha.
Le premier en tête était Monsieur Jacques de Barbarie qui avait une pipe comme une toupie. Il marchait une fourche en fer à la main, on dirait qu’il allait embrocher l’ours.
L’estamarou dé Jean Peyrou, drin, drin, drin, s’en anabo à gran trin armat d’uno pocasso al darré dé Barbari moun amie.
Le forgeron Jean Peyrou, drin, drin, drin, s’en allait à grand train, armé d’une pioche derrière son ami de Barbarie.
Lé Cristofo del Gentillou qué mérito tablès uno bourno Missou en dé soun fusill armat semblabo un désintérat.
Le Christophe du Gentillou qui mérite lui aussi une bonne leçon, avec son fusil chargé, semblait sans intérêt.
Caoucurro lé bell homé aquiello famouso cusétat qué éra pas pu gran qu’una herba dé part, disto lé cal pas manqua qué baléou nous pourrio mangea.
Cet homme connu pour être indigne de confiance, qui n’était pas plus grand qu’une herbe de pré, disait qu’il ne fallait pas le manquer, car il pourrait nous manger.
Raouzi lé sacripant qu’a uno testo coumo un éléfant cridabo d’un toun fort « tournan noun à l’oustal qués un maïchant anial, sé cal millou arma per lé poudé tua ».
Raouzi le sacristin, qui avait une tête comme un éléphant, criait d’une voix forte : « Revenons à la maison, que c’est un mauvais animal, et qu’il faut mieux s’armer pour pouvoir le tuer. »
Carol la gragnota qué fa un crit coumo un courbas, qualguec qué dins sa tuta l’annésoune sécouri qué dé paou sé manquer mouri.
Carole la gragnote qui fait un cri comme un corbeau, il a fallu que dans sa maison on aille le secourir, car il faillit mourir de peur.
Il manquo tout l’esta major : la Franço tout’entiéro, lé Rel par la gouberna, fouregoun pas foutudi un fusil varga. Lé Ganéral La Fayette y anec pers tous ajuba, éro encaro pus bestio qué l’ours qu’anaboun tua.
Il manque tout l’état-major : la France toute entière, le roi pour la gouverner, incapable de charger un fusil. Le général La Fayette est allé pour les aider. Il était encore plus bête que l’ours qu’ils allaient tuer.
Passégoun la consigno al Courouneil qué n’étoun pas bé frimos et qué calio prendré dé nounos dispousitious per tua l’ours.
Ils donnèrent la consigne au Courouneil comme quoi c’était quelque chose d’important, qu’il fallait prendre de bonnes dispositions pour tuer l’ours.
Lé Coumendant Francesseilles fastio lé clergatou, anabo fé la roundo per serca lé millou et s’espandro coum’un gran pabou.
Le commandant Francesseilles, lui épiait. Il allait faire la ronde pour aller chercher ce qui était de mieux, s’est étalé comme un grand pavé.
Bous parliaré encaro del Félip dé l’Uil lé grimaçut et soun fraïre l’Ambroisi lé gran prédicatou qué dé la pel dé l’ours né boulio fé un capitchou et lé Coumis dé ratja lé boulio foutré en présou.
Après, le Philippe de l’Ail, qui grimaçait, et son frère l’Ambroise un grand prédicateur, disait qu’il fallait faire un manteau avec la peau de l’ours, et le Coumis, pris de colère, voulait le mettre en prison.
Enfins, lé déairé membré dé la Sociatét éro aqueil embuyateillat dél Caoussou qué semblablo uno sardo coïto jus un paillassou marchabo retté coumo un lloubatou.
Enfin, le dernier membre de cette société, était un niais de Caussou, ressemblant à une sardine cuite sous un paillasson, marchait raide comme un louvetier.
Touto la cimo dé Mountaillou cridabo d’una bour forta ca la Falgadoura y a un gros animal qué semblo un famous ours qué y calio faïre la poursuito per protetgea lé païs. Après tant dé démarchés, digus guaousec l’attaqua. Lé ca acouleat et habituat al païs n’abio pas paou et s’en boulio pas ana. Aco you fec acaba dé créïté qu’éro un ours. Toutis coumo d’embecillis s’acountenteroun dé lé régarda et pas un y guaousec tira.
Tout le haut de Montaillou criait d’une voix forte à la Falgadoura : il y a un gros animal semblable à un gros ours, qu’il faut poursuivre pour protéger le pays. Après tant de démarches, personne n’a osé l’attaquer. Le chien, habitué au pays, n’avait pas peur de cette foule, et ne voulait pas s’en aller. Ce qui leur faisait penser que c’était un ours. Tous, comme des imbéciles, se contentèrent de le regarder sans oser tirer.
Et après cap quan lé ca sé llébec et qu’ajec paou dé touto aqueillo foulo dé moundé, les aurets entendudi crida la un « Yé qués pla pélut », l’aoutré « a un grosso couga », aquesté « belleou es un ca », « tio, besis pas coumo es négré y abets pas boulgut tira ara y ets pas pus à téns ».
Et c’est quand le chien s’est levé, qui a eu peur de cette foule, vous les auriez entendu dire : l’un disait : « Qu’il est bien velu ! ». L’autre : « Qu’il a une grosse queue ! ». L’autre : « Peut-être que c’est un chien ! », « Regarde comme il est noir, vous avez voulu tirer, et maintenant c’est trop tard.
Yé aco éro un ca d’un noumat Capeillet qu’abio benbut un pareil d’ans à Canet. Ets bous respoundi qué mé diguet qu’abio lé dreït y qué lés aurio attaquats per s’en essé amusat
Et ça, c’était un chien d’un dénommé Capeillet qu’il avait vendu quelques années avant à Canet. Et je vous dis qu’il ne disait qu’il avait le droit de les attaquer pour s’en être amusé.
Montaillou, le 28 janvier 1891.