Le Catharisme

Prades et Montaillou

Prades est une commune limitrophe de Montaillou, village qui a connu une notoriété internationale grâce à l’ouvrage de M. Le Roy Ladurie Montaillou Village Occitan.

Montaillou est en effet resté célèbre grâce à des écrits anciens qui témoignent de pratiques Cathares dans la région au XIIIe siècle.

Le village de Prades connut le même destin tragique que Montaillou durant les persécutions menées par l’Église de Rome à l’encontre du Catharisme.

Le catharisme

Naissance du catharisme

Au XIIe siècle s’est développée dans le Sud de la France une religion chrétienne différente du Catholicisme : le Catharisme.

Cette nouvelle croyance, basée sur le Christianisme mais très critiquée par le catholicisme, s’est rapidement propagée dans toute l’Occitanie. Elle prône le retour au modèle d’Église primitive des premiers temps du Christianisme. Elle condamne l’Église romaine et sa hiérarchie au prétexte de ce qu’elles ne respecteraient pas l’idéal de vie et de pauvreté du Christ.

Sous des noms différents, des communautés de Cathares sont attestées à travers toute l’Europe, mais c’est dans le Midi de la France et en Lombardie (Nord de l’Italie) que le Catharisme connaît l’accueil le plus favorable et le plus durable.

Le rituel cathare par excellence : le consolamentum

Pour les Cathares, le Christ est uniquement l’envoyé du Père venu porter le message du salut aux hommes. Il n’est pas comme chez les Catholiques le rédempteur de tous les péchés.

Du coup, les Cathares ne reconnaissent qu’un seul sacrement, la consolation (le consolamentum), qui efface toutes les fautes passées et garantit la vie éternelle.

Ce sacrement joue un rôle fondamental chez les Cathares car il est à la fois sacrement d’ordination, de pénitence, d’eucharistie et d’extrême onction.

Les Cathares considèrent d’ailleurs comme inefficace le baptême d’eau des catholiques, ils contestent le sacrement de l’eucharistie et le sacrement du mariage.

Le consolamentum est suivi d’une période sévère de jeûne : l’endura.

Les bonshommes

Le consolamentum n’étant donné qu’une fois, seule une poignée de fervents Cathares se sentent assez fermes dans leur foi pour le demander en pleine force de leur âge. Ils sont alors les seuls également à pouvoir le donner aux autres.

Ces croyants particuliers, les « prédicateurs » de l’Église cathare, (nommés les « bonshommes » ou « bons chrétiens » par les hérétiques et nommés « parfaits hérétiques » par les catholiques), prenant notamment au pied de la lettre le commandement biblique : « tu ne tueras point », se devaient de respecter scrupuleusement un mode de vie très strict :

  • Ne pas consommer d’aliments carnés : ils se nourrissaient exclusivement de poissons et de légumes et faisaient de nombreux jeûnes ;
  • Ne pas pratiquer l’homicide y compris des animaux, considéré comme le péché le plus grave ;
  • Ne pas avoir de liaison charnelle ;
  • Ne pas succomber à la lâcheté devant la souffrance et la mort ;
  • Ne pas mentir ni jurer ;
  • Et surtout consacrer leur vie au spirituel (nombreuses prières, aider les autres…).

Les autres fidèles, d’un naturel moins religieux, quant à eux (les simples « croyants des hérétiques »), font en sorte d’obtenir le consolamentum seulement dès qu’ils sentent venir la mort, afin de ne pas mourir en état de péché. L’endura qui suit, lorsqu’il est scrupuleusement respecté, accélère généralement la fin du mourant.

Les Cathares n’ont pas d’église ou de chapelle car pour eux la parole du Christ peut être enseignée là où se réunissent les fidèles : sur la place publique du village, dans la maison d’un croyant Cathare…

Quelques dates-clés dans l’histoire du Catharisme

Aux yeux de l’Église romaine, les Cathares représentaient un danger bien pire que les infidèles (Juifs et Musulmans), car, tout en étant Chrétiens, ils interprétaient différemment les Écritures, refusaient la doctrine des sept sacrements et reniaient l’autorité du pape.

À partir de 1209, lancées par le pape Innocent III, les « croisades albigeoises » déferleront sur le Midi occitan, dans le but premier de mettre fin au Catharisme, considéré comme un danger pour le Catholicisme.

Commandés par Simon de Montfort, les croisés saccagent Béziers, Carcassonne, et, malgré la protection du comte de Toulouse Raymond VI, les seigneurs naturels de la région furent vaincus à Muret (1213) et à Toulouse (1218).

Les croisades se doublent ainsi rapidement d’une guerre géopolitique entre les seigneurs du Nord et les seigneurs occitans. Elles vont mettre au pas la noblesse locale, qui protégeait les Cathares, et finiront par mettre toute les terres occitanes sous la tutelle du roi de France.

Cette guerre désastreuse ne se terminera qu’en 1229.

Mais le Catharisme, lui, continue de se répandre dans les têtes…

En 1233, l’Église catholique met alors en place une nouvelle institution judiciaire confiée aux Dominicains : l’Inquisition. Ses enquêtes menées tout au long du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle vont progressivement réussir à débusquer les hérétiques pour les condamner. Les Cathares qui échapperont aux peines du tribunal seront réduits à la clandestinité ou à la fuite en Catalogne ou en Lombardie.

Lorsqu’une personne était suspectée (ou dénoncée) pour hérésie, elle était jugée par un tribunal d’inquisition. En fonction de la gravité de la faute avérée ou avouée (parfois sous la torture), la peine pouvait varier du port obligatoire d’une ou de deux croix jaunes, de pèlerinage forcé ou de la confiscation ou destruction des biens, jusqu’à l’emprisonnement : le « mur strict » ou « très strict » (cellule étroite, fers aux pieds, alimentation de pain noir et d’eau uniquement), voire la condamnation à mort sur le bûcher.

En 1244, la reddition de la forteresse de Montségur se solde par la disparition du principal refuge de la hiérarchie cathare : plus de deux cents Cathares sont brûlés.

Le bûcher du dernier « parfait » Cathare connu, Guilhem Bélibaste, remonte à août 1321.

L’inquisition au début du XIVe siècle

Les cathares étaient traqués en Haute Ariège (qu’on appelait le Sabarthès) et jugés par le tribunal d’inquisition de Carcassonne, dirigé par les Dominicains Gaillard de Pomiès et Jean de Beaune.

Jacques Fournier, évêque de Pamiers, bien que Cistercien, se joint à eux, pour siéger à une cour de justice qui durera de 1318 à 1325. Il se montre redoutablement efficace dans sa traque, faisant arracher les aveux avec ténacité et habileté (cette tâche lui est facilitée par le fait qu’il connaît bien le pays et surtout la langue occitane contrairement aux inquisiteurs pontificaux qui sont souvent des « Français »).

Il se montrera toutefois moins « barbare » que les inquisiteurs Carcassonnais : sur 114 personnes mises en cause, 5 (seulement) seront mises au bûcher, 48 seront emprisonnées. Le reste, soit plus de la moitié, écoperont de pénitences diverses et d’acquittements.

Parmi ces 114 personnes, nombreux sont des habitants de Montaillou et de Prades.

Jacques Fournier (portrait ci-contre) sera élu pape en 1334 sous le nom de Benoît XII.

Le dominicain Geoffroy d’Ablis, inquisiteur de Carcassonne dès 1303, ordonna d’ailleurs en 1308 la « rafle » du village de Montaillou, dont tous les habitants de plus de 13 ans seront arrêtés et trainés à Carcassonne pour y être jugés.

Ces interrogatoires ont été transcrits en un certain nombre de volumes. Il en subsiste aujourd’hui un gros registre en parchemin conservé à la bibliothèque vaticane à Rome.

Jean Duvernoy, historien Toulousain, en a fourni en 1965 la publication intégrale en 3 volumes ainsi que la traduction de l’ensemble des interrogatoires conservés.

Utilisant l’extraordinaire document qu’est ce registre d’inquisition, qui donne une foule de renseignements sur la vie quotidienne d’humbles villageois, Emmanuel Leroy Ladurie, professeur au Collège de France et membre de l’Institut, a publié un ouvrage historique « Montaillou, village occitan de 1294 à 1324 ».

Ce livre, publié en 1975, a eu un succès mondial considérable et a été tiré à plus de 2 millions d’exemplaires.

Sources